dimanche 3 mars 2013

BLOGUE 1 : AU PAYS DES HOMMES INTÈGRES



En mémoire d’une amie…

Bonjour chers parents et ami(e)s,

Avant de commencer ce blogue, j’aimerais d’abord et avant tout que l’on garde une minute de silence, de façon symbolique, pour une amie décédée le 17 février dernier. Une jeune femme aimable, forte, courageuse, toujours souriante et positive, qui nous a quittés beaucoup trop tôt, à l’âge de 31 ans, et qui laisse derrière elle un conjoint, son amoureux et partenaire de vie, et un petit garçon d’à peine 11 mois. Merci de garder, avec moi, cette minute de silence en mémoire de Lai Ling Law. 


Lai Ling Law 1981-2013

Bonne arrivée!

C’est l’expression commune au Burkina Faso pour souhaiter la bienvenue à un nouvel arrivant, qu’il arrive au pays, dans la maison d’un ami, dans une pièce, dans un magasin, bref n’importe où... Les Burkinabés sont toujours enthousiastes pour souhaiter la « Bonne arrivée »! C’est ainsi que j’ai eu droit à cette expression à plusieurs dizaines de reprises depuis mon arrivée au Burkina Faso, il y a de cela près d’un mois et demi déjà (le 16 janvier dernier). Wamba, mon conjoint qui est arrivé quelques jours après moi (en provenance du Cameroun), y a aussi eu droit.

Me voici donc au « Pays des hommes intègres » : Burkina Faso est une combinaison de deux langues du terroir. « Burkina » en langue « mooré » (langue parlée par les Moossis, ethnie majoritaire du pays) veut dire « intègre », tandis que « Faso » en langue « dioula » (parlée par l’ethnie Dioula, située dans le sud-ouest du pays) signifie « terre des pères, mère patrie ». Le pays a ce nom depuis 1985 seulement; avant on l’appelait la « Haute-Volta », nom de la rivière qui passe sur le territoire et nom donné par les colons français à l’époque. C’est Thomas Sankara, président révolutionnaire du pays de 1983 à 1987 qui a changé le nom, issu de la tradition africaine. Le commandant Sankara est arrivé au pouvoir par un coup d’État (sans infusion de sang, précisons-le- contrairement à la majorité des coups d’État) le 4 août 1983 et a dirigé ce que l’on appelle la révolution burkinabé jusqu’au 15 octobre 1987, date de son assassinat lors d’un putsch orchestré par son « meilleur » ami et bras droit Blaise Compaoré. Quelques jours après, un médecin militaire le déclare décédé de mort naturelle… À titre informatif, Blaise Compaoré est toujours au pouvoir à ce jour, 25 ans plus tard… et aucune enquête, aucun procès n’a eu lieu ou n’est en cours pour élucider la mort du révolutionnaire. Mais la famille de Sankara soupçonne le gouvernement français de l’époque (Mitterrand-Chirac), d’avoir joué un rôle essentiel dans l’assassinat, ainsi que d’autres gouvernements africains amis de la France à l’époque.

Le fondateur du Pays des Hommes Intègres

Source: en.wikipedia.org


Évoquer le nom de Sankara est parfois délicat au « Pays des Hommes Intègres », certains ne voulant tout simplement pas parler du sujet, d’autres ayant peur de représailles, mais il reste quelques courageux qui osent, comme ce jeune homme travaillant dans un restaurant-boulangerie dans la capitale, Ouagadougou, et qui arborait fièrement un chandail de Thomas Sankara. Wamba et moi sommes allés voir la tombe de feu ce panafricaniste, anti-impérialiste et défendeur des droits des femmes. Trouver sa tombe n’a pas été chose facile : plusieurs nous indiquaient le mauvais cimetière. Nous avons fini par trouver, après avoir marché sur une route poussiéreuse, traversé un terrain avec quelques arbustes rabougris et jonché de déchets, puis nous sommes enfin arrivés, aidé par un « guide » rencontré en route. Nous avons eu de la chance de rencontrer ce « guide » : son oncle est l’un des 12 compagnons de Sankara assassinés le même jour; il connaît donc très bien le cimetière. La tombe de Sankara ainsi que celle de ses 12 compagnons sont là, devant nous, dans un cimetière pratiquement abandonné, laissé pour compte. La tombe en ciment de feu le président est défraîchie, les écriteaux délavés et elle est même détruite sur un côté. Ce lieu ne fait clairement pas partie du parcours touristique proposé lorsque l’on vient au Burkina... Et le président actuel, Blaise Compaoré, a tout fait pour que son prédécesseur, «meilleur» ami et frère adoptif (la mère de Sankara a gardé Blaise durant son enfance) soit oublié des mémoires collectives… Pourtant, il fait partie intégrante de l’histoire du pays et ces quelques années au pouvoir seulement ont changé le visage du Burkina Faso. 


Sankara est connu pour avoir été un leader du Mouvement des Non-Alignés (les pays qui refusaient de prendre partie durant la Guerre froide), pour avoir dénoncé le colonialisme et le néo-colonialisme, notamment de la France, en Afrique (que l’on appelle parfois, et avec raison, la « FrançAfrique »…). Devant l'Organisation des Nations Unies (ONU), il a défendu le droit des peuples à pouvoir manger à leur faim, boire à leur soif, et être éduqués. Il a aussi institué la coutume de planter un arbre à chaque grande occasion pour lutter contre la désertification. Sankara a aussi combattu le détournement de fonds publics en étant lui-même un exemple : il voyageait en classe économique et roulait une Renauld 5 et imposait à tous ceux de la fonction publique d’en faire autant. De tous les présidents africains, c’est lui qui, à ce jour, a perçu le plus petit salaire. Il était considéré par plusieurs comme le Che Guevara africain…

Sankara, le héros de toutes les femmes 

Il était également un grand défenseur des droits des femmes : il a lutté pour leur émancipation, pour leur insertion dans la fonction publique et s’est battu contre l’excision des femmes et des jeunes filles. Le Burkina Faso est probablement l’un des pays où la journée du 8 mars (journée mondiale de la femme) a réellement sa place. Selon Sankara, lors de cette journée, aucune femme ne doit mener une activité ménagère (aller au marché, faire la cuisine, le ménage, etc.) et c’était respecté en son temps. Aujourd’hui, le 8 mars reste une journée très importante pour les organisations de la société civile et pour la population, mais le gouvernement n’est pas impliqué comme c’était le cas du temps de la révolution…


Je ne peux m'empêcher de vous présenter quelques phrases du discours de Thomas Sankara sur la libération de la femme, discours prononcé le 8 mars 1987:


« La libération de la femme : 
une exigence du futur »

« Camarades, il n’y a de révolution sociale véritable que lorsque la femme est libérée. Que jamais mes yeux ne voient une société, que jamais, mes pas ne me transportent dans une société où la moitié du peuple est maintenue dans le silence. J’entends le vacarme de ce silence des femmes, je pressens le grondement de leur bourrasque, je sens la furie de leur révolte. J’attends et espère l’irruption féconde de la révolution dont elles traduiront la force et la rigoureuse justesse sorties de leurs entrailles d’opprimées.

[…] II ne s’agit point ici d’implorer la condescendance de qui que ce soit en faveur de la femme. II s’agit d’exiger au nom de la révolution qui est venue pour donner et non pour prendre, que justice soit faite aux femmes. »


Bref, Sankara reste un personnage inoubliable et il constitue un modèle pour la jeunesse africaine et pour le développement du pays et du continent… 

Félicitations aux Étalons!

Source: news.abidjan.net



Source: fr.starafrica.com

Photo du haut: les Étalons du Burkina Faso. Photo du bas: Alain Traoré, le meilleur buteur de l'équipe (mais qui s'est blessé et qui n'a pu terminer la compétition).

Je dois vous l’avouer : je ne suis pas une grande fervente de soccer. Mais en arrivant au pays, j’ai appris que c’était la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) et que les Étalons, l’équipe du Burkina Faso, s’était qualifiée pour la phase finale des éliminatoires de la CAN. C’est donc avec un grand intérêt que nous avons suivi la plupart des matchs de cette compétition africaine, d’autant plus que Wamba est un grand fan de foot. De par le passé, les Étalons s’étaient déjà qualifiés pour la phase finale de la CAN, mais ils ne s’étaient jamais rendus plus loin qu’en quart de finale (en 1998). Cette année, ils en ont surpris plus d’un : non seulement ils sont arrivés premiers de leur groupe, mais ils ont également remporté les matchs de quart de finale et de demi-finale pour se rendre en finale! Nous avons regardé ses matchs en direct à la télévision (la Coupe a eu lieu en Afrique du Sud) et à chaque fois, il régnait une ambiance incroyable dans tout le Burkina! Plus ils avançaient et gagnaient, plus le pays était mobilisé et fier de leurs footballeurs. C’était tout simplement un moment historique. Le 3 février, en quart de finale, le Burkina a affronté l’équipe du Togo et a gagné, grâce à un but marqué en prolongation. Pour le match de demi-finale, le 6 février dernier, nous l’avons regardé dans un petit bar de Banfora, où nous habitons. C’était contre le Ghana, qui est réputé pour être une équipe de taille, beaucoup plus forte habituellement que celle du Burkina. C’était pourtant 1-1 au bout des 90 minutes de jeu et ils ont du aller en prolongation. Au bout des 30 minutes de prolongations, c’était toujours 1-1 et ils sont passés aux tirs au but et… roulement de tambour : les Étalons ont remporté les tirs face aux Black Stars du Ghana! Quel moment intense! Tout Banfora était en liesse, les gens sont sortis dans la rue et couraient, arborant fièrement des drapeaux du pays.

Puis, le 10 février dernier, la finale a eu lieu : les Étalons se mesuraient alors au Super Eagles du Nigéria. Les Étalons ont tout fait pour arracher la victoire, mais malheureusement, les Nigérians ont compté à la 40e minute et les Burkinabés n’ont pas réussi à égaliser. Malgré leur défaite, les Étalons ont tout de même terminé deuxième de cette Coupe d’Afrique des Nations, ce qui est vraiment respectable. À leur retour à Ouaga, plusieurs milliers de Burkinabés les attendaient pour les féliciter et les acclamer. Même à Banfora, à 450 km de la capitale, plusieurs dizaines de personnes festoyaient sur le bord de la route. Le 12 février, l’ensemble de l’équipe a été décorée et faite « officier de l’ordre national burkinabé ».

Dans un pays où la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, dans un pays classé 181ième sur 187 selon l’Indice de Développement Humain (IDH), cet exploit de l’équipe nationale de soccer a mis de la joie dans les difficultés quotidiennes de ce peuple souriant et attachant. Et je me sens très choyée d’avoir pu partager ce moment avec eux.

Banfora, « mon » nouveau village

Me voici maintenant installée dans mon « nouveau » chez moi, à Banfora, une petite ville de province située à 450 km de la capitale, Ouaga. Je dois vous avouer que c’est tout à fait différent de Cotonou, la plus grosse ville du Bénin (sur le bord de l’Atlantique), où j’habitais et travaillais l’année dernière.


Source: diplomatie.gouv.fr

On peut voir Banfora, située au sud-ouest du pays, à environ 80 km de Bobo-Dioulasso (2e ville du pays) et à 450 km de Ouagadougou, la capitale et plus grande ville du Burkina. 

Wamba et moi sommes arrivés un dimanche soir à Banfora, accompagnés du logisticien d’Oxfam. Nous avons quitté la route principale pour nous ramasser sur des chemins de poussières et, après plusieurs virages, nous sommes enfin arrivés dans ce qu’allait être notre future chez nous. Sur le coup, je vous avoue que je n’étais pas convaincue… déjà que Banfora est un grand village (ou une petite ville, ça dépend de la perspective), voilà qu’on habite en « banlieue » de là! Enfin, au fil des jours, nous avons apprivoisé le coin et apprécié notre belle petite maison et sa jolie cour qui compte plusieurs palmiers, cocotiers, bananiers, papayers, un bougainvillier, et autres plantes. On y a installé un hamac pour compléter le tout! Après réflexions donc, on a décidé de rester dans cette villa, où habitait d’ailleurs celui que je remplace : l’ex-conseiller en eau, hygiène et assainissement d’Oxfam-Québec. Comme moyen de transport, nous n’avons pas encore de moto; je n’ai pas vraiment envie de m’en acheter une à vrai dire… le souvenir douloureux de notre braquage à Cotonou est toujours présent. Par contre, on m’a dit qu’il y avait des bonnes chances que l’un des partenaires avec qui je travaille, l’Association MUNYU des femmes de la Comoé, puisse m’en fournir une pour la durée de mon séjour. Ça serait super! En attendant de voir avec eux, Wamba et moi nous sommes achetés chacun un vélo tout terrain (VTT) d’occasion à Ouaga. Deux beaux VTT qui se plient même en deux! Donc pour l’instant, je me déplace en vélo, ce qui n’est pas évident avec la chaleur (il fait en moyenne 30-35°C), le soleil et la poussière. Mais ça va nous tenir en forme!

Banfora fait partie d’une très belle région, la plus verte du pays. Il y a aussi plusieurs « spots » touristiques dans les environs, dont les cascades de Karfiguéla et les dômes de Fabédougou. Nous sommes déjà allés les découvrir, en empruntant la moto d’une collègue. Un très joli coin, relax et enchanteur, où nous pourrons nous évader les fins de semaine. Les photos vous en donnent un aperçu.    












Crottes de nez et transit intestinal…

Eh oui, ce sont des réalités que nous vivons au Burkina Faso! Avec l’Harmattan, ce vent chaud, sec et poussiéreux qui provient du Sahara et qui souffle vers le Sud entre le mois de décembre et la mi-mars, la production de crottes de nez est en hausse phénoménale, je vous le dis! Jamais je n’ai autant eu à me nettoyer le nez, je vous épargne les détails… Sans compter la peau qui devient sèche comme un lézard, incluant les lèvres, la poussière qui s’insère dans chaque orifice de ton corps et aussi partout dans la maison! À chaque jour, on doit essuyer la table, le comptoir, le plancher, etc., qui reçoit inévitablement une couche de poussière. On commence à s’y habituer, mais ça me surprend encore. Également, malgré le fait que j’ai vécu un an au Bénin, je dois faire attention aux aliments que je mange, et à leur salubrité, surtout avec la salade, et tous les fruits et légumes que l’on n’épluche pas. D’ailleurs, je n’ai pas su ce qui m’a rendu malade, mais il y a deux semaines, j’ai eu une diarrhée très intense (je vous épargne aussi les détails). Ironiquement, au même moment, mon conjoint Wamba, lui, était constipé. Beau petit couple… Je tiens à préciser que nous avions mangé la même chose… Trouvez l’erreur!

Je pourrais vous écrire encore longtemps sur divers sujets, mais comme toujours, ce blogue commence à être un peu long. Je m’arrête donc ici pour le moment. Et je vous parlerai de mon travail avec Oxfam et deux de ses partenaires dans le prochain épisode.

Coucher de soleil sur le lac aux hippopotames, tout près de Banfora. 

Je vous laisse sur cette pensée africaine :
« Ne me pose pas de question, maintenant. Nombreux sont les mystères de ce monde. Tout ce que tu vois devant tes yeux est une bénédiction. » (Éfua Theodora Sutherland)

Prenez soin de vous,

Geneviève xxxx

p.s. Ah oui, j'oubliais: Allez voir sur la page d'accueil du site Internet d'Oxfam-Québec (http://oxfam.qc.ca/) et regardez la photo centrale (celle qui change), vous y verrez quelqu'une que vous connaissez!



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