mercredi 12 juin 2013

Blogue 2 : Banfora Kadi !


Bonjour à vous chers parents et ami(e)s,

Je m’excuse de mon silence, ça fait un bail que je vous ai écrit. Trois mois et demi ou 14 semaines, ou encore, 108 jours pour être bien précise! Je m’étais pourtant donnée comme objectif d’écrire plus fréquemment que lors de mon séjour au Bénin et bizarrement, c’est le contraire qui est arrivé. Je me suis laissée emportée par le quotidien, puis les jours et les semaines ont passé et nous voici au 12 juin, déjà. Presque la moitié de 2013 qui est passé, ça va vite quand même.

Pour ma part, ça fera 5 mois le 16 juin que je suis au Burkina, au pays des hommes intègres. Comment ça se passe me demandez-vous? Eh bien, en général, ça se passe assez bien. Il y a des hauts et des bas, comme dans toute pérégrination, mais je suis contente de vivre cette deuxième expérience en Afrique de l’Ouest, et de la vivre cette fois-ci dans un milieu semi-rural. Ça donne une tout autre perspective que d’être dans la capitale. Je dirais qu’on se sent plus en Afrique dans des endroits comme Banfora, où j’habite, que dans des capitales comme Cotonou (Bénin) ou Ouagadougou (Burkina Faso), où tout est accessible, ou presque : restaurants internationaux, épiceries avec des produits importés, soins de santé, soins dentaires, etc. Ici, à Banfora, les produits comestibles, notamment les fruits et légumes, sont limités, bien qu’on ne s’en plaigne pas non plus. On sent beaucoup plus ici la variabilité des fruits et légumes en fonction des saisons. Par exemple, la saison des tomates est pratiquement terminée; celles vendues au marché sont ainsi beaucoup moins belles et leur prix augmente. Idem pour les oignons, les poivrons verts et les choux.

Au pays de la mangue!

 De belles mangues juteuses à Banfora!

Par contre, c’est actuellement la saison de la mangue, fruit fétiche des régions des Cascades et des Hauts-Bassins (au sud-ouest du pays) et là, on peut se régaler! Il y en a des tonnes et des tonnes, à un prix ridiculement bas (en moyenne 50 à 75 francs CFA la mangue, soit entre 10 et 15 cents!). Autant dire que c’est gratuit! Il y en a tellement que ça pourrit même par terre, sous les manguiers. Malheureusement, il manque les infrastructures pour exporter le précieux fruit ou pour le transformer. Il faudrait des camions de réfrigération pour le transport, et des installations et les connaissances et compétences pour la transformer en jus, en crème glacée ou en sorbet, en mangue séchée, en yogourt, etc. Deux des partenaires d’Oxfam-Québec dans la région, à savoir l’Union des Producteurs de Fruits et Légumes de la Comoé (UPPFL) et l’Association Être Comme Les Autres (ECLA, partenaire avec qui je travaille), ont tous deux des installations pour transformer la mangue fraîche en mangue séchée. ECLA a même un site de compostage avec une vingtaine de fosses à compostière, pouvant ainsi accueillir et transformer en compost les déchets organiques de mangue issus de la transformation. Malheureusement pour l’instant, cette unité de production ne travaille pas à sa pleine capacité, en raison de la commercialisation du produit. En effet, ECLA tient à s’assurer d’avoir des contrats de vente initialement, ce qui n’est pas toujours évident à obtenir. L’Association Woul, autre partenaire d’Oxfam-Québec dans la région, produit également du jus de mangue. Toutes ces initiatives sont très intéressantes, mais il manque encore un levier pour valoriser et commercialiser davantage la mangue et l’exporter à un niveau international, avec un marché bien établi.

Site de compostage d'ECLA à Toussiana, 
Région des Hauts-Bassins

ECLA dispose d'une vingtaine de fosses 
pour la production de compost

Travail de coopérante

Parlant d’Oxfam-Québec, plusieurs d’entre vous m’ont demandé des précisions sur ce que je fais exactement au Burkina. Quel est mon travail avec Oxfam-Québec? Eh bien en voici la réponse! :

Oxfam-Québec travaille avec des partenaires locaux burkinabés (soit des ONG et des associations pour la plupart). Le rôle des coopérants volontaires est de travailler avec ces associations partenaires, à « renforcer leurs capacités », pour utiliser les termes d’Oxfam-Québec. Le coopérant est ainsi là en appui-conseil dans son domaine d’expertise. Pour ma part, en tant que conseillère en eau, hygiène et assainissement, je travaille avec deux des partenaires d’Oxfam au Burkina : l’Association ECLA, mentionné précédemment, et l’Association MUNYU des femmes de la Comoé (MUNYU signifie « patience, tolérance et don de soi » en langue dioula). Voici le lien de leur site internet pour plus d’informations : http://www.munyu-burkina.org/

Mon travail auprès d’ECLA consiste à l’appuyer notamment dans la planification, la mise en œuvre et l’évaluation d’un projet de production rizicole, projet financé par Oxfam-Québec, via l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI). Ce projet en est à sa troisième année et va débuter sa troisième et dernière phase dans les prochaines semaines. Il s’agit d’un projet pilote basé sur l’intensification de la production rizicole, l’utilisation du compost, la promotion de la production et de la commercialisation du riz local, la gestion durable des eaux et sols et l’adaptation aux changements climatiques. Dans le cadre de ce projet, ECLA appuie particulièrement des groupements de femmes et de jeunes dans la production et la transformation du riz. L’actuelle phase mettra l’accent sur l’entrepreneuriat et le développement de micro-entreprises agricoles.

Par ailleurs, je conseille ECLA au niveau organisationnel. Il est prévu dans les prochaines semaines d’établir une planification stratégique de l’organisation. Je les accompagnerai, avec une collègue coopérante, dans la démarche et le processus.

Outre cela, je ne peux passer sous silence le grand projet mis en œuvre dans 5 Communes des régions des Hauts-Bassins et des Cascades : le Projet Eau dans le Bassin de la Haute Comoé (PEHC). Ce projet est financé par One Drop (Fondation de Guy Laliberté), la Fondation Prince Albert II de Mocano, la Fondation Hilton et Oxfam-Québec. Il a pour objectif ultime de favoriser l’accès à l’eau, à l’assainissement et à la microfinance, avec l’utilisation de l’art social pour sensibiliser les populations. Ce projet comporte ainsi trois volets, à savoir le volet eau (volet technique : mise en place et réhabilitation de forages, extension du réseau d’accès à l’eau, construction de latrines, etc.), le volet art social (spectacles sur la thématique de l’eau, ateliers artistico-pédagogiques sur l’eau, l’hygiène et l’assainissement, animations radio, etc.) et finalement le volet microfinance (ateliers de gestion entrepreneuriale, bénéficiaires qui ont accès à un microcrédit, etc.). Les partenaires d’Oxfam-Québec dans la région sont des partenaires de mise en œuvre de ce projet, incluant ECLA et MUNYU avec lesquels je travaille. Mon mandat consiste donc à les appuyer et à les conseiller dans la mise en œuvre de ce projet, et particulièrement pour le volet eau, au niveau de la mise en œuvre des activités, du suivi et de la gestion quotidienne.

Je dirais qu’en général, mon travail est plutôt organisationnel et en gestion que vraiment technique. Voici donc de façon globale et synthétique mon mandat en tant que coopérante avec Oxfam au Burkina. Je tiens également à mentionner que mon poste de coopérante volontaire avec Oxfam fait partie du programme de coopérant volontaire (PCV), soutenu financièrement par l’ACDI. Ce programme se terminera le 31 mars 2014 et vous n’êtes sûrement pas sans savoir que l’ACDI disparaît et sera fusionnée au Ministère des Affaires étrangères et du Commerce International. Beaucoup d’ONG sont ainsi dans l’incertitude d’avoir un financement de l’ACDI dans les prochaines années pour leurs programmes outre-mer et c’est le cas d’Oxfam-Québec. L’appel d’offres pour le programme de coopérant volontaire n’est pas encore sorti et personne ne sait si le programme sera reconduit au-delà de mars 2014. Vous l’aurez compris : mon contrat prend fin à cette date et nul ne sait ce que nous réserve l’avenir! 

Une motarde au Faso

Nos belles "Cadillac" achetées à Ouaga en février dernier.



Wamba sur sa belle Chevrolet dans notre cour à Banfora

Wamba et moi nous sommes achetés des vélos en arrivant ici, comme je vous le mentionnais dans mon premier blogue. C’est bien de se promener à vélo, mais pour le travail, ce n’est pas évident, avec la chaleur, le soleil et la poussière. Eh bien imaginez-vous donc que j’ai été très chanceuse, car l’un de mes partenaires, l’Association MUNYU, a plusieurs motos en réserve et elle m’en a prêté une pour le temps de mon mandat ici. Youppi! Je suis donc détentrice temporaire d’une belle moto Yamaha 100. De plus, comme les bureaux d’ECLA sont situés à Toussiana, soit à 35 km de Banfora, la moto est très pratique! Ça fait du millage quand je vais là-bas, un bon 70 km aller-retour. Je n’avais encore jamais fait ça auparavant, car au Bénin, je ne faisais que des 5-10 km, comme c’était en milieu urbain. Je dois faire très attention aux gros camions de marchandise et aux autobus, mais sinon, la vue est très agréable, avec les champs de canne à sucre et la falaise de Banfora que l’on aperçoit à l’horizon. J’ai aussi eu droit à un magnifique coucher de soleil alors que je revenais de Toussiana il y a quelques mois, c’était majestueux.

Par contre, je ne vous cacherai pas que j’ai en plusieurs problèmes mécaniques : problème de bougie, chaîne qui brise, crevaison de la roue avant, huile qui coule par terre, lumière arrière qui ne fonctionne pas, etc. Je dois aller régulièrement chez le « mécano » pour des « check-up » et les « mécanos » ici, il faut faire attention, parce qu’il y en a des pas trop réglo et des plus ou moins compétents. J’ai dû retourner trois fois chez le mécanicien pour faire arranger le joint d’où coulait l’huile (je ne peux vous en dire davantage, mes connaissances en mécanique étant limitées!). Vous l’aurez deviné, ce mécanicien est maintenant barré de ma liste!

Je ne dois pas non plus dépasser les 65-70 km/h, car sinon, ça force trop le moteur et l’engin arrête tout simplement de fonctionner. Ça m’est arrivé à deux reprises, alors que je me rendais à Toussiana! Maintenant, j’ai ma leçon et je roule doucement, en prenant bien soin de ne pas forcer le moteur. Contrairement au Bénin, j’ai maintenant une moto « d’homme », c’est-à-dire que le réservoir d’essence n’est pas situé sous le siège comme les petites motos/scooters, mais plutôt devant le siège du conducteur. On appelle aussi moto « d’hommes », car ce sont beaucoup plus les hommes qui conduisent ce genre de motos et elles sont en effet plutôt conçues pour une utilisation masculine. Plusieurs habits féminins, comme certaines jupes et robes, ne peuvent être portés, comme il faut enjamber la moto pour embarquer dessus. Je ne peux donc pas profiter pleinement de ma garde-robe féminine! Mais, « ça va aller » comme disent les Burkinabés.  


Sur ma belle Yamaha 100, une vraie motarde! 


On a des voisins qui passent de temps à autre devant le portail de la maison! 


 L'âne au Burkina est un vrai moyen de locomotion. Les Burkinabés l'utilisent pour le transport de la mangue notamment.

Tourisme tourisme!

Wamba et moi avons aussi fait un peu de tourisme depuis notre arrivée. On a profité des fins de semaine de trois jours pour bouger. Nous sommes notamment allés voir les pics de Sindou au mois de mars, en moto! C’est à environ 50 km de Banfora. Ces pics sont une formation rocheuse très particulière et on peut s’y promener à pied. Voici quelques photos, pour le plaisir des yeux!

Wamba devant les pics de Sindou

Les pics de Sindou

Autre formation rocheuse, 
près des pics de Sindou, Burkina Faso 

Outre les pics, nous allons régulièrement Wamba et moi à Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays, située à 85 km de Banfora. Des bus relient plusieurs fois par jour ces deux villes, ce qui est très pratique. Nous y allons pour nous approvisionner en produits comestibles, mais aussi pour profiter de l’ambiance de la ville, pour visiter le milieu des artisans. Bobo est reconnue pour être une ville artistique et culturelle. On y trouve des sculptures, des bronzes, des teintures de tissus, etc. On y a aussi découvert une ONG qui récupère les sachets plastiques pour en faire des sacoches, sac à dos et autres. Surprenant comme technique et fort intéressant. Les fins de semaine, des spectacles de musique live sont programmés, bref cette ville vaut le détour!

Enfin, nous allons à Ouaga, la capitale (à 450 km de Banfora, donc plusieurs heures de route!), de temps à autre. Généralement, j’y vais pour les réunions d’équipe d’Oxfam et avec Wamba, on en profite pour y passer le weekend. Dernièrement, Wamba et moi sommes allés pour assister au mariage d’une amie et son amoureux burkinabé. Moment unique! Nous sommes aussi allés pour la deuxième fois nous recueillir sur la tombe de Thomas Sankara, le défunt Président du Burkina de 1983 à 1987. 
 
Wamba et moi au mariage de notre couple d'amis, 
près de Ouagadougou





 Wamba et moi, assis sur la tombe du Grand Thomas Sankara, ancien Président du Burkina de 1983 à 1987. 


Banfora Kadi

Pour terminer, vous devez vous demander pourquoi j’ai choisi ce titre : « Banfora Kadi »? En dioula, langue locale parlée par la majorité des gens dans cette partie du Burkina, cela signifie « Banfora est doux », ce qui est bien vrai comparé à la chaleur de Ouaga et aux régions du nord. Banfora est l’un des coins les plus doux du Burkina, le climat y est beaucoup plus clément, on dit même que la région ici est le grenier du Burkina Faso. Il ne faut pas oublier non plus les cascades, source d’eau inestimable dans cette région et lieu de détente et de plaisir. Enfin, j’ai également choisi ce titre en référence à la chanson « Banfora Kadi » de Sembadou, chanteur burkinabé. Voici le lien YouTube pour voir le vidéoclip, assez intéressant :

Je vous dis à bientôt chers parents et ami(e)s, bonne Saint-Jean Baptiste et bon été!

Prenez soin de vous,
So long,

Geneviève



p.s. Comme le dit le journaliste ougandais Andrew Mwenda, « la plupart des pays riches sont attirés par la pauvreté de l’Afrique plutôt que par sa richesse; et, en fin de compte, ils se retrouvent à subventionner nos échecs au lieu de récompenser nos réussites ». 

Je vous propose cet article écrit par une journaliste mi-anglaise, mi-ghanéenne, qui a décidé de s’installer dans le pays de sa mère, le Ghana et qui est correspondante pour The Guardian. L’article montre une perception différente de l’Afrique, très intéressant. Bonne lecture!