mercredi 12 juin 2013

Blogue 2 : Banfora Kadi !


Bonjour à vous chers parents et ami(e)s,

Je m’excuse de mon silence, ça fait un bail que je vous ai écrit. Trois mois et demi ou 14 semaines, ou encore, 108 jours pour être bien précise! Je m’étais pourtant donnée comme objectif d’écrire plus fréquemment que lors de mon séjour au Bénin et bizarrement, c’est le contraire qui est arrivé. Je me suis laissée emportée par le quotidien, puis les jours et les semaines ont passé et nous voici au 12 juin, déjà. Presque la moitié de 2013 qui est passé, ça va vite quand même.

Pour ma part, ça fera 5 mois le 16 juin que je suis au Burkina, au pays des hommes intègres. Comment ça se passe me demandez-vous? Eh bien, en général, ça se passe assez bien. Il y a des hauts et des bas, comme dans toute pérégrination, mais je suis contente de vivre cette deuxième expérience en Afrique de l’Ouest, et de la vivre cette fois-ci dans un milieu semi-rural. Ça donne une tout autre perspective que d’être dans la capitale. Je dirais qu’on se sent plus en Afrique dans des endroits comme Banfora, où j’habite, que dans des capitales comme Cotonou (Bénin) ou Ouagadougou (Burkina Faso), où tout est accessible, ou presque : restaurants internationaux, épiceries avec des produits importés, soins de santé, soins dentaires, etc. Ici, à Banfora, les produits comestibles, notamment les fruits et légumes, sont limités, bien qu’on ne s’en plaigne pas non plus. On sent beaucoup plus ici la variabilité des fruits et légumes en fonction des saisons. Par exemple, la saison des tomates est pratiquement terminée; celles vendues au marché sont ainsi beaucoup moins belles et leur prix augmente. Idem pour les oignons, les poivrons verts et les choux.

Au pays de la mangue!

 De belles mangues juteuses à Banfora!

Par contre, c’est actuellement la saison de la mangue, fruit fétiche des régions des Cascades et des Hauts-Bassins (au sud-ouest du pays) et là, on peut se régaler! Il y en a des tonnes et des tonnes, à un prix ridiculement bas (en moyenne 50 à 75 francs CFA la mangue, soit entre 10 et 15 cents!). Autant dire que c’est gratuit! Il y en a tellement que ça pourrit même par terre, sous les manguiers. Malheureusement, il manque les infrastructures pour exporter le précieux fruit ou pour le transformer. Il faudrait des camions de réfrigération pour le transport, et des installations et les connaissances et compétences pour la transformer en jus, en crème glacée ou en sorbet, en mangue séchée, en yogourt, etc. Deux des partenaires d’Oxfam-Québec dans la région, à savoir l’Union des Producteurs de Fruits et Légumes de la Comoé (UPPFL) et l’Association Être Comme Les Autres (ECLA, partenaire avec qui je travaille), ont tous deux des installations pour transformer la mangue fraîche en mangue séchée. ECLA a même un site de compostage avec une vingtaine de fosses à compostière, pouvant ainsi accueillir et transformer en compost les déchets organiques de mangue issus de la transformation. Malheureusement pour l’instant, cette unité de production ne travaille pas à sa pleine capacité, en raison de la commercialisation du produit. En effet, ECLA tient à s’assurer d’avoir des contrats de vente initialement, ce qui n’est pas toujours évident à obtenir. L’Association Woul, autre partenaire d’Oxfam-Québec dans la région, produit également du jus de mangue. Toutes ces initiatives sont très intéressantes, mais il manque encore un levier pour valoriser et commercialiser davantage la mangue et l’exporter à un niveau international, avec un marché bien établi.

Site de compostage d'ECLA à Toussiana, 
Région des Hauts-Bassins

ECLA dispose d'une vingtaine de fosses 
pour la production de compost

Travail de coopérante

Parlant d’Oxfam-Québec, plusieurs d’entre vous m’ont demandé des précisions sur ce que je fais exactement au Burkina. Quel est mon travail avec Oxfam-Québec? Eh bien en voici la réponse! :

Oxfam-Québec travaille avec des partenaires locaux burkinabés (soit des ONG et des associations pour la plupart). Le rôle des coopérants volontaires est de travailler avec ces associations partenaires, à « renforcer leurs capacités », pour utiliser les termes d’Oxfam-Québec. Le coopérant est ainsi là en appui-conseil dans son domaine d’expertise. Pour ma part, en tant que conseillère en eau, hygiène et assainissement, je travaille avec deux des partenaires d’Oxfam au Burkina : l’Association ECLA, mentionné précédemment, et l’Association MUNYU des femmes de la Comoé (MUNYU signifie « patience, tolérance et don de soi » en langue dioula). Voici le lien de leur site internet pour plus d’informations : http://www.munyu-burkina.org/

Mon travail auprès d’ECLA consiste à l’appuyer notamment dans la planification, la mise en œuvre et l’évaluation d’un projet de production rizicole, projet financé par Oxfam-Québec, via l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI). Ce projet en est à sa troisième année et va débuter sa troisième et dernière phase dans les prochaines semaines. Il s’agit d’un projet pilote basé sur l’intensification de la production rizicole, l’utilisation du compost, la promotion de la production et de la commercialisation du riz local, la gestion durable des eaux et sols et l’adaptation aux changements climatiques. Dans le cadre de ce projet, ECLA appuie particulièrement des groupements de femmes et de jeunes dans la production et la transformation du riz. L’actuelle phase mettra l’accent sur l’entrepreneuriat et le développement de micro-entreprises agricoles.

Par ailleurs, je conseille ECLA au niveau organisationnel. Il est prévu dans les prochaines semaines d’établir une planification stratégique de l’organisation. Je les accompagnerai, avec une collègue coopérante, dans la démarche et le processus.

Outre cela, je ne peux passer sous silence le grand projet mis en œuvre dans 5 Communes des régions des Hauts-Bassins et des Cascades : le Projet Eau dans le Bassin de la Haute Comoé (PEHC). Ce projet est financé par One Drop (Fondation de Guy Laliberté), la Fondation Prince Albert II de Mocano, la Fondation Hilton et Oxfam-Québec. Il a pour objectif ultime de favoriser l’accès à l’eau, à l’assainissement et à la microfinance, avec l’utilisation de l’art social pour sensibiliser les populations. Ce projet comporte ainsi trois volets, à savoir le volet eau (volet technique : mise en place et réhabilitation de forages, extension du réseau d’accès à l’eau, construction de latrines, etc.), le volet art social (spectacles sur la thématique de l’eau, ateliers artistico-pédagogiques sur l’eau, l’hygiène et l’assainissement, animations radio, etc.) et finalement le volet microfinance (ateliers de gestion entrepreneuriale, bénéficiaires qui ont accès à un microcrédit, etc.). Les partenaires d’Oxfam-Québec dans la région sont des partenaires de mise en œuvre de ce projet, incluant ECLA et MUNYU avec lesquels je travaille. Mon mandat consiste donc à les appuyer et à les conseiller dans la mise en œuvre de ce projet, et particulièrement pour le volet eau, au niveau de la mise en œuvre des activités, du suivi et de la gestion quotidienne.

Je dirais qu’en général, mon travail est plutôt organisationnel et en gestion que vraiment technique. Voici donc de façon globale et synthétique mon mandat en tant que coopérante avec Oxfam au Burkina. Je tiens également à mentionner que mon poste de coopérante volontaire avec Oxfam fait partie du programme de coopérant volontaire (PCV), soutenu financièrement par l’ACDI. Ce programme se terminera le 31 mars 2014 et vous n’êtes sûrement pas sans savoir que l’ACDI disparaît et sera fusionnée au Ministère des Affaires étrangères et du Commerce International. Beaucoup d’ONG sont ainsi dans l’incertitude d’avoir un financement de l’ACDI dans les prochaines années pour leurs programmes outre-mer et c’est le cas d’Oxfam-Québec. L’appel d’offres pour le programme de coopérant volontaire n’est pas encore sorti et personne ne sait si le programme sera reconduit au-delà de mars 2014. Vous l’aurez compris : mon contrat prend fin à cette date et nul ne sait ce que nous réserve l’avenir! 

Une motarde au Faso

Nos belles "Cadillac" achetées à Ouaga en février dernier.



Wamba sur sa belle Chevrolet dans notre cour à Banfora

Wamba et moi nous sommes achetés des vélos en arrivant ici, comme je vous le mentionnais dans mon premier blogue. C’est bien de se promener à vélo, mais pour le travail, ce n’est pas évident, avec la chaleur, le soleil et la poussière. Eh bien imaginez-vous donc que j’ai été très chanceuse, car l’un de mes partenaires, l’Association MUNYU, a plusieurs motos en réserve et elle m’en a prêté une pour le temps de mon mandat ici. Youppi! Je suis donc détentrice temporaire d’une belle moto Yamaha 100. De plus, comme les bureaux d’ECLA sont situés à Toussiana, soit à 35 km de Banfora, la moto est très pratique! Ça fait du millage quand je vais là-bas, un bon 70 km aller-retour. Je n’avais encore jamais fait ça auparavant, car au Bénin, je ne faisais que des 5-10 km, comme c’était en milieu urbain. Je dois faire très attention aux gros camions de marchandise et aux autobus, mais sinon, la vue est très agréable, avec les champs de canne à sucre et la falaise de Banfora que l’on aperçoit à l’horizon. J’ai aussi eu droit à un magnifique coucher de soleil alors que je revenais de Toussiana il y a quelques mois, c’était majestueux.

Par contre, je ne vous cacherai pas que j’ai en plusieurs problèmes mécaniques : problème de bougie, chaîne qui brise, crevaison de la roue avant, huile qui coule par terre, lumière arrière qui ne fonctionne pas, etc. Je dois aller régulièrement chez le « mécano » pour des « check-up » et les « mécanos » ici, il faut faire attention, parce qu’il y en a des pas trop réglo et des plus ou moins compétents. J’ai dû retourner trois fois chez le mécanicien pour faire arranger le joint d’où coulait l’huile (je ne peux vous en dire davantage, mes connaissances en mécanique étant limitées!). Vous l’aurez deviné, ce mécanicien est maintenant barré de ma liste!

Je ne dois pas non plus dépasser les 65-70 km/h, car sinon, ça force trop le moteur et l’engin arrête tout simplement de fonctionner. Ça m’est arrivé à deux reprises, alors que je me rendais à Toussiana! Maintenant, j’ai ma leçon et je roule doucement, en prenant bien soin de ne pas forcer le moteur. Contrairement au Bénin, j’ai maintenant une moto « d’homme », c’est-à-dire que le réservoir d’essence n’est pas situé sous le siège comme les petites motos/scooters, mais plutôt devant le siège du conducteur. On appelle aussi moto « d’hommes », car ce sont beaucoup plus les hommes qui conduisent ce genre de motos et elles sont en effet plutôt conçues pour une utilisation masculine. Plusieurs habits féminins, comme certaines jupes et robes, ne peuvent être portés, comme il faut enjamber la moto pour embarquer dessus. Je ne peux donc pas profiter pleinement de ma garde-robe féminine! Mais, « ça va aller » comme disent les Burkinabés.  


Sur ma belle Yamaha 100, une vraie motarde! 


On a des voisins qui passent de temps à autre devant le portail de la maison! 


 L'âne au Burkina est un vrai moyen de locomotion. Les Burkinabés l'utilisent pour le transport de la mangue notamment.

Tourisme tourisme!

Wamba et moi avons aussi fait un peu de tourisme depuis notre arrivée. On a profité des fins de semaine de trois jours pour bouger. Nous sommes notamment allés voir les pics de Sindou au mois de mars, en moto! C’est à environ 50 km de Banfora. Ces pics sont une formation rocheuse très particulière et on peut s’y promener à pied. Voici quelques photos, pour le plaisir des yeux!

Wamba devant les pics de Sindou

Les pics de Sindou

Autre formation rocheuse, 
près des pics de Sindou, Burkina Faso 

Outre les pics, nous allons régulièrement Wamba et moi à Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays, située à 85 km de Banfora. Des bus relient plusieurs fois par jour ces deux villes, ce qui est très pratique. Nous y allons pour nous approvisionner en produits comestibles, mais aussi pour profiter de l’ambiance de la ville, pour visiter le milieu des artisans. Bobo est reconnue pour être une ville artistique et culturelle. On y trouve des sculptures, des bronzes, des teintures de tissus, etc. On y a aussi découvert une ONG qui récupère les sachets plastiques pour en faire des sacoches, sac à dos et autres. Surprenant comme technique et fort intéressant. Les fins de semaine, des spectacles de musique live sont programmés, bref cette ville vaut le détour!

Enfin, nous allons à Ouaga, la capitale (à 450 km de Banfora, donc plusieurs heures de route!), de temps à autre. Généralement, j’y vais pour les réunions d’équipe d’Oxfam et avec Wamba, on en profite pour y passer le weekend. Dernièrement, Wamba et moi sommes allés pour assister au mariage d’une amie et son amoureux burkinabé. Moment unique! Nous sommes aussi allés pour la deuxième fois nous recueillir sur la tombe de Thomas Sankara, le défunt Président du Burkina de 1983 à 1987. 
 
Wamba et moi au mariage de notre couple d'amis, 
près de Ouagadougou





 Wamba et moi, assis sur la tombe du Grand Thomas Sankara, ancien Président du Burkina de 1983 à 1987. 


Banfora Kadi

Pour terminer, vous devez vous demander pourquoi j’ai choisi ce titre : « Banfora Kadi »? En dioula, langue locale parlée par la majorité des gens dans cette partie du Burkina, cela signifie « Banfora est doux », ce qui est bien vrai comparé à la chaleur de Ouaga et aux régions du nord. Banfora est l’un des coins les plus doux du Burkina, le climat y est beaucoup plus clément, on dit même que la région ici est le grenier du Burkina Faso. Il ne faut pas oublier non plus les cascades, source d’eau inestimable dans cette région et lieu de détente et de plaisir. Enfin, j’ai également choisi ce titre en référence à la chanson « Banfora Kadi » de Sembadou, chanteur burkinabé. Voici le lien YouTube pour voir le vidéoclip, assez intéressant :

Je vous dis à bientôt chers parents et ami(e)s, bonne Saint-Jean Baptiste et bon été!

Prenez soin de vous,
So long,

Geneviève



p.s. Comme le dit le journaliste ougandais Andrew Mwenda, « la plupart des pays riches sont attirés par la pauvreté de l’Afrique plutôt que par sa richesse; et, en fin de compte, ils se retrouvent à subventionner nos échecs au lieu de récompenser nos réussites ». 

Je vous propose cet article écrit par une journaliste mi-anglaise, mi-ghanéenne, qui a décidé de s’installer dans le pays de sa mère, le Ghana et qui est correspondante pour The Guardian. L’article montre une perception différente de l’Afrique, très intéressant. Bonne lecture!
 

dimanche 3 mars 2013

BLOGUE 1 : AU PAYS DES HOMMES INTÈGRES



En mémoire d’une amie…

Bonjour chers parents et ami(e)s,

Avant de commencer ce blogue, j’aimerais d’abord et avant tout que l’on garde une minute de silence, de façon symbolique, pour une amie décédée le 17 février dernier. Une jeune femme aimable, forte, courageuse, toujours souriante et positive, qui nous a quittés beaucoup trop tôt, à l’âge de 31 ans, et qui laisse derrière elle un conjoint, son amoureux et partenaire de vie, et un petit garçon d’à peine 11 mois. Merci de garder, avec moi, cette minute de silence en mémoire de Lai Ling Law. 


Lai Ling Law 1981-2013

Bonne arrivée!

C’est l’expression commune au Burkina Faso pour souhaiter la bienvenue à un nouvel arrivant, qu’il arrive au pays, dans la maison d’un ami, dans une pièce, dans un magasin, bref n’importe où... Les Burkinabés sont toujours enthousiastes pour souhaiter la « Bonne arrivée »! C’est ainsi que j’ai eu droit à cette expression à plusieurs dizaines de reprises depuis mon arrivée au Burkina Faso, il y a de cela près d’un mois et demi déjà (le 16 janvier dernier). Wamba, mon conjoint qui est arrivé quelques jours après moi (en provenance du Cameroun), y a aussi eu droit.

Me voici donc au « Pays des hommes intègres » : Burkina Faso est une combinaison de deux langues du terroir. « Burkina » en langue « mooré » (langue parlée par les Moossis, ethnie majoritaire du pays) veut dire « intègre », tandis que « Faso » en langue « dioula » (parlée par l’ethnie Dioula, située dans le sud-ouest du pays) signifie « terre des pères, mère patrie ». Le pays a ce nom depuis 1985 seulement; avant on l’appelait la « Haute-Volta », nom de la rivière qui passe sur le territoire et nom donné par les colons français à l’époque. C’est Thomas Sankara, président révolutionnaire du pays de 1983 à 1987 qui a changé le nom, issu de la tradition africaine. Le commandant Sankara est arrivé au pouvoir par un coup d’État (sans infusion de sang, précisons-le- contrairement à la majorité des coups d’État) le 4 août 1983 et a dirigé ce que l’on appelle la révolution burkinabé jusqu’au 15 octobre 1987, date de son assassinat lors d’un putsch orchestré par son « meilleur » ami et bras droit Blaise Compaoré. Quelques jours après, un médecin militaire le déclare décédé de mort naturelle… À titre informatif, Blaise Compaoré est toujours au pouvoir à ce jour, 25 ans plus tard… et aucune enquête, aucun procès n’a eu lieu ou n’est en cours pour élucider la mort du révolutionnaire. Mais la famille de Sankara soupçonne le gouvernement français de l’époque (Mitterrand-Chirac), d’avoir joué un rôle essentiel dans l’assassinat, ainsi que d’autres gouvernements africains amis de la France à l’époque.

Le fondateur du Pays des Hommes Intègres

Source: en.wikipedia.org


Évoquer le nom de Sankara est parfois délicat au « Pays des Hommes Intègres », certains ne voulant tout simplement pas parler du sujet, d’autres ayant peur de représailles, mais il reste quelques courageux qui osent, comme ce jeune homme travaillant dans un restaurant-boulangerie dans la capitale, Ouagadougou, et qui arborait fièrement un chandail de Thomas Sankara. Wamba et moi sommes allés voir la tombe de feu ce panafricaniste, anti-impérialiste et défendeur des droits des femmes. Trouver sa tombe n’a pas été chose facile : plusieurs nous indiquaient le mauvais cimetière. Nous avons fini par trouver, après avoir marché sur une route poussiéreuse, traversé un terrain avec quelques arbustes rabougris et jonché de déchets, puis nous sommes enfin arrivés, aidé par un « guide » rencontré en route. Nous avons eu de la chance de rencontrer ce « guide » : son oncle est l’un des 12 compagnons de Sankara assassinés le même jour; il connaît donc très bien le cimetière. La tombe de Sankara ainsi que celle de ses 12 compagnons sont là, devant nous, dans un cimetière pratiquement abandonné, laissé pour compte. La tombe en ciment de feu le président est défraîchie, les écriteaux délavés et elle est même détruite sur un côté. Ce lieu ne fait clairement pas partie du parcours touristique proposé lorsque l’on vient au Burkina... Et le président actuel, Blaise Compaoré, a tout fait pour que son prédécesseur, «meilleur» ami et frère adoptif (la mère de Sankara a gardé Blaise durant son enfance) soit oublié des mémoires collectives… Pourtant, il fait partie intégrante de l’histoire du pays et ces quelques années au pouvoir seulement ont changé le visage du Burkina Faso. 


Sankara est connu pour avoir été un leader du Mouvement des Non-Alignés (les pays qui refusaient de prendre partie durant la Guerre froide), pour avoir dénoncé le colonialisme et le néo-colonialisme, notamment de la France, en Afrique (que l’on appelle parfois, et avec raison, la « FrançAfrique »…). Devant l'Organisation des Nations Unies (ONU), il a défendu le droit des peuples à pouvoir manger à leur faim, boire à leur soif, et être éduqués. Il a aussi institué la coutume de planter un arbre à chaque grande occasion pour lutter contre la désertification. Sankara a aussi combattu le détournement de fonds publics en étant lui-même un exemple : il voyageait en classe économique et roulait une Renauld 5 et imposait à tous ceux de la fonction publique d’en faire autant. De tous les présidents africains, c’est lui qui, à ce jour, a perçu le plus petit salaire. Il était considéré par plusieurs comme le Che Guevara africain…

Sankara, le héros de toutes les femmes 

Il était également un grand défenseur des droits des femmes : il a lutté pour leur émancipation, pour leur insertion dans la fonction publique et s’est battu contre l’excision des femmes et des jeunes filles. Le Burkina Faso est probablement l’un des pays où la journée du 8 mars (journée mondiale de la femme) a réellement sa place. Selon Sankara, lors de cette journée, aucune femme ne doit mener une activité ménagère (aller au marché, faire la cuisine, le ménage, etc.) et c’était respecté en son temps. Aujourd’hui, le 8 mars reste une journée très importante pour les organisations de la société civile et pour la population, mais le gouvernement n’est pas impliqué comme c’était le cas du temps de la révolution…


Je ne peux m'empêcher de vous présenter quelques phrases du discours de Thomas Sankara sur la libération de la femme, discours prononcé le 8 mars 1987:


« La libération de la femme : 
une exigence du futur »

« Camarades, il n’y a de révolution sociale véritable que lorsque la femme est libérée. Que jamais mes yeux ne voient une société, que jamais, mes pas ne me transportent dans une société où la moitié du peuple est maintenue dans le silence. J’entends le vacarme de ce silence des femmes, je pressens le grondement de leur bourrasque, je sens la furie de leur révolte. J’attends et espère l’irruption féconde de la révolution dont elles traduiront la force et la rigoureuse justesse sorties de leurs entrailles d’opprimées.

[…] II ne s’agit point ici d’implorer la condescendance de qui que ce soit en faveur de la femme. II s’agit d’exiger au nom de la révolution qui est venue pour donner et non pour prendre, que justice soit faite aux femmes. »


Bref, Sankara reste un personnage inoubliable et il constitue un modèle pour la jeunesse africaine et pour le développement du pays et du continent… 

Félicitations aux Étalons!

Source: news.abidjan.net



Source: fr.starafrica.com

Photo du haut: les Étalons du Burkina Faso. Photo du bas: Alain Traoré, le meilleur buteur de l'équipe (mais qui s'est blessé et qui n'a pu terminer la compétition).

Je dois vous l’avouer : je ne suis pas une grande fervente de soccer. Mais en arrivant au pays, j’ai appris que c’était la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) et que les Étalons, l’équipe du Burkina Faso, s’était qualifiée pour la phase finale des éliminatoires de la CAN. C’est donc avec un grand intérêt que nous avons suivi la plupart des matchs de cette compétition africaine, d’autant plus que Wamba est un grand fan de foot. De par le passé, les Étalons s’étaient déjà qualifiés pour la phase finale de la CAN, mais ils ne s’étaient jamais rendus plus loin qu’en quart de finale (en 1998). Cette année, ils en ont surpris plus d’un : non seulement ils sont arrivés premiers de leur groupe, mais ils ont également remporté les matchs de quart de finale et de demi-finale pour se rendre en finale! Nous avons regardé ses matchs en direct à la télévision (la Coupe a eu lieu en Afrique du Sud) et à chaque fois, il régnait une ambiance incroyable dans tout le Burkina! Plus ils avançaient et gagnaient, plus le pays était mobilisé et fier de leurs footballeurs. C’était tout simplement un moment historique. Le 3 février, en quart de finale, le Burkina a affronté l’équipe du Togo et a gagné, grâce à un but marqué en prolongation. Pour le match de demi-finale, le 6 février dernier, nous l’avons regardé dans un petit bar de Banfora, où nous habitons. C’était contre le Ghana, qui est réputé pour être une équipe de taille, beaucoup plus forte habituellement que celle du Burkina. C’était pourtant 1-1 au bout des 90 minutes de jeu et ils ont du aller en prolongation. Au bout des 30 minutes de prolongations, c’était toujours 1-1 et ils sont passés aux tirs au but et… roulement de tambour : les Étalons ont remporté les tirs face aux Black Stars du Ghana! Quel moment intense! Tout Banfora était en liesse, les gens sont sortis dans la rue et couraient, arborant fièrement des drapeaux du pays.

Puis, le 10 février dernier, la finale a eu lieu : les Étalons se mesuraient alors au Super Eagles du Nigéria. Les Étalons ont tout fait pour arracher la victoire, mais malheureusement, les Nigérians ont compté à la 40e minute et les Burkinabés n’ont pas réussi à égaliser. Malgré leur défaite, les Étalons ont tout de même terminé deuxième de cette Coupe d’Afrique des Nations, ce qui est vraiment respectable. À leur retour à Ouaga, plusieurs milliers de Burkinabés les attendaient pour les féliciter et les acclamer. Même à Banfora, à 450 km de la capitale, plusieurs dizaines de personnes festoyaient sur le bord de la route. Le 12 février, l’ensemble de l’équipe a été décorée et faite « officier de l’ordre national burkinabé ».

Dans un pays où la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, dans un pays classé 181ième sur 187 selon l’Indice de Développement Humain (IDH), cet exploit de l’équipe nationale de soccer a mis de la joie dans les difficultés quotidiennes de ce peuple souriant et attachant. Et je me sens très choyée d’avoir pu partager ce moment avec eux.

Banfora, « mon » nouveau village

Me voici maintenant installée dans mon « nouveau » chez moi, à Banfora, une petite ville de province située à 450 km de la capitale, Ouaga. Je dois vous avouer que c’est tout à fait différent de Cotonou, la plus grosse ville du Bénin (sur le bord de l’Atlantique), où j’habitais et travaillais l’année dernière.


Source: diplomatie.gouv.fr

On peut voir Banfora, située au sud-ouest du pays, à environ 80 km de Bobo-Dioulasso (2e ville du pays) et à 450 km de Ouagadougou, la capitale et plus grande ville du Burkina. 

Wamba et moi sommes arrivés un dimanche soir à Banfora, accompagnés du logisticien d’Oxfam. Nous avons quitté la route principale pour nous ramasser sur des chemins de poussières et, après plusieurs virages, nous sommes enfin arrivés dans ce qu’allait être notre future chez nous. Sur le coup, je vous avoue que je n’étais pas convaincue… déjà que Banfora est un grand village (ou une petite ville, ça dépend de la perspective), voilà qu’on habite en « banlieue » de là! Enfin, au fil des jours, nous avons apprivoisé le coin et apprécié notre belle petite maison et sa jolie cour qui compte plusieurs palmiers, cocotiers, bananiers, papayers, un bougainvillier, et autres plantes. On y a installé un hamac pour compléter le tout! Après réflexions donc, on a décidé de rester dans cette villa, où habitait d’ailleurs celui que je remplace : l’ex-conseiller en eau, hygiène et assainissement d’Oxfam-Québec. Comme moyen de transport, nous n’avons pas encore de moto; je n’ai pas vraiment envie de m’en acheter une à vrai dire… le souvenir douloureux de notre braquage à Cotonou est toujours présent. Par contre, on m’a dit qu’il y avait des bonnes chances que l’un des partenaires avec qui je travaille, l’Association MUNYU des femmes de la Comoé, puisse m’en fournir une pour la durée de mon séjour. Ça serait super! En attendant de voir avec eux, Wamba et moi nous sommes achetés chacun un vélo tout terrain (VTT) d’occasion à Ouaga. Deux beaux VTT qui se plient même en deux! Donc pour l’instant, je me déplace en vélo, ce qui n’est pas évident avec la chaleur (il fait en moyenne 30-35°C), le soleil et la poussière. Mais ça va nous tenir en forme!

Banfora fait partie d’une très belle région, la plus verte du pays. Il y a aussi plusieurs « spots » touristiques dans les environs, dont les cascades de Karfiguéla et les dômes de Fabédougou. Nous sommes déjà allés les découvrir, en empruntant la moto d’une collègue. Un très joli coin, relax et enchanteur, où nous pourrons nous évader les fins de semaine. Les photos vous en donnent un aperçu.    












Crottes de nez et transit intestinal…

Eh oui, ce sont des réalités que nous vivons au Burkina Faso! Avec l’Harmattan, ce vent chaud, sec et poussiéreux qui provient du Sahara et qui souffle vers le Sud entre le mois de décembre et la mi-mars, la production de crottes de nez est en hausse phénoménale, je vous le dis! Jamais je n’ai autant eu à me nettoyer le nez, je vous épargne les détails… Sans compter la peau qui devient sèche comme un lézard, incluant les lèvres, la poussière qui s’insère dans chaque orifice de ton corps et aussi partout dans la maison! À chaque jour, on doit essuyer la table, le comptoir, le plancher, etc., qui reçoit inévitablement une couche de poussière. On commence à s’y habituer, mais ça me surprend encore. Également, malgré le fait que j’ai vécu un an au Bénin, je dois faire attention aux aliments que je mange, et à leur salubrité, surtout avec la salade, et tous les fruits et légumes que l’on n’épluche pas. D’ailleurs, je n’ai pas su ce qui m’a rendu malade, mais il y a deux semaines, j’ai eu une diarrhée très intense (je vous épargne aussi les détails). Ironiquement, au même moment, mon conjoint Wamba, lui, était constipé. Beau petit couple… Je tiens à préciser que nous avions mangé la même chose… Trouvez l’erreur!

Je pourrais vous écrire encore longtemps sur divers sujets, mais comme toujours, ce blogue commence à être un peu long. Je m’arrête donc ici pour le moment. Et je vous parlerai de mon travail avec Oxfam et deux de ses partenaires dans le prochain épisode.

Coucher de soleil sur le lac aux hippopotames, tout près de Banfora. 

Je vous laisse sur cette pensée africaine :
« Ne me pose pas de question, maintenant. Nombreux sont les mystères de ce monde. Tout ce que tu vois devant tes yeux est une bénédiction. » (Éfua Theodora Sutherland)

Prenez soin de vous,

Geneviève xxxx

p.s. Ah oui, j'oubliais: Allez voir sur la page d'accueil du site Internet d'Oxfam-Québec (http://oxfam.qc.ca/) et regardez la photo centrale (celle qui change), vous y verrez quelqu'une que vous connaissez!